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AG MCR La Charité

La Charité ! Aucune ville ou village en France ne porte ce nom, pourtant si évocateur des vertus chrétiennes, puisque vient très vite à l’esprit, le chapitre 13 de la première lettre aux Corinthiens. Avant le 8ème siècle, ce lieu s’appelait Seyr. Il se raconte, mais sans preuve, que saint Loup, sous diacre de Nevers, aurait converti les habitants au christianisme et que Rolland de Roussillon, y aurait fondé un couvent et une église, saccagés quelques années plus tard par l’invasion des arabes. En 756, à l’occasion de son passage, le roi Pépin le Bref, rétablit le monastère et le confie à des religieux de l’ordre de saint Colomban. Ce nouveau monastère sera lui aussi détruit par les invasions barbares et pendant la période de fer que furent les 9 et10ème siècles, le lieu semble désert. Il faut attendre le milieu du 11ème siècle pour que l’évêque d’Auxerre, (jusqu’à la révolution, la Charité a fait partie du diocèse d’Auxerre), Geoffroy de Champallement résolut de relever les murs de l’église, après s’être fait donner les terres par le seigneur de la Marche qui en était propriétaire. Il en fit don à saint Hugues, abbé de Cluny, qui va redonner vie à ces lieux grâce à l’un ses moines, Gérard (ou Girard). Il se dit qu’il conçut lui-même le plan de l’église et des bâtiments qui allaient couvrir de gloire la future Charité. L’église fut consacrée en 1059 par le Pape Pascal II qui séjournait en France. A compter de cette époque, le monastère n’a cessé de s’enrichir par les donations et les fondations qui lui ont été faites tant par les grands seigneurs, que par les modestes visiteurs, en route vers saint Jean de Compostelle ou la Terre sainte, qui s’arrêtaient pour être hébergés. L’accueil était si bon, si chaleureux, que la réputation des moines s’étendit bien au-delà de la province car, tous disaient, « allons à la Charité des bons pères ». C’est ainsi que le nom est resté et qu’aujourd’hui, encore, les habitants bénéficient de la munificence des moines. Les vocations se multiplient ; il y a eu jusqu’à deux cents moines et plus, ce qui permit au prieuré de faire de nombreuses fondations non seulement en France, mais jusqu’en Angleterre et en Turquie. Le rayonnement était considérable et la beauté des bâtiments impressionnante. L’église, de pur style roman, était la plus grande après celle de Cluny qui était, elle-même, la plus grande église d’occident après saint Pierre de Rome. Une telle extension, une telle réputation de sainteté, trouvèrent un terme avec la guerre de cent ans. Le prieuré fut ruiné, l’église incendiée (les séquelles en sont encore visibles aujourd’hui). La ville, tantôt aux mains des protestants, puis reprise par les catholiques et de nouveau aux mains des protestants (pendant de longues années, ce ne fut que guerres, destructions, incendies (1559) et pillages). Jeanne d’Arc subit devant les murs de la cité son premier échec retentissant. Après cette période agitée, un autre mal, plus sournois, mais tout aussi désastreux, a poursuivi la décadence de la fille aînée de Cluny, la « commende ». Qu’est-ce que la commende ? : les prieurs, au lieu de continuer à être réguliers, seront pour la plupart commendataires, c’est-à-dire qu’au lieu d’être nommés par l’abbé de Cluny, ils le seront par le roi, qui s’empare de ce pouvoir, conférant ainsi en récompense, le titre d’abbé commendataire à des clercs tonsurés et même à des laïcs. Ces derniers devaient recevoir les ordres au cours de l’année qui les voyait élus. Bien peu se soumettaient à cette condition. La direction spirituelle de l’abbaye demeurait donc à un religieux, le prieur claustral, tandis que le commendataire se contentait de toucher l’essentiel des revenus du prieuré, laissant la portion congrue aux pauvres moines ; les abbés commendataires ne venaient pratiquement jamais, à de très rares exceptions près, dans leur prieuré. Avec une telle forme d’administration, le déclin spirituel et matériel commencé au 16ème siècle, s’achèvera avec la suppression définitive de tout culte, au moment de la révolution française. A cette période, l’ensemble des bâtiments ont été vendus à divers propriétaires, qui ont déshonorés et défigurés ces lieux en les utilisant à des fins profanes. Au milieu du 19ème siècle, il était envisagé de faire passer la route nationale dans l’église, ce qui assurait sa disparition. Grâce à Prosper Mérimée, inspecteur des monuments historiques, ce « crime » a pu être évité. Depuis une trentaine d’année, la municipalité charitoise s’efforce de racheter progressivement l’ensemble des bâtiments d’autrefois, afin de les restaurer et leur redonner une certaine beauté, mais l’âme des lieux s’en est allée. En 1954-1955, une première campagne de restauration de l’église a eu lieu, en la débarrassant des badigeons et des ajouts déshonorants que le 19ème siècle avait pratiqués. Actuellement, la charpente et la toiture sont en réfection. Mille autres choses seraient à raconter sur la vie de prieuré : les légendes, les incendies, les heurts et malheurs de neuf siècles d’existence, mais qui nous a laissé un témoin et un trésor inestimable qu’est l’église Notre Dame de la Charité.