Actualités

Éditorial : En quarantaine

P1120199

Nous sommes entrés en quarantaine. Non pas celle imposée par le coronavirus, mais celle qui nous prépare à Pâques. Il y a cependant des similitudes entre les deux, car dans les deux cas il s’agit de lutter contre un virus mortel. Le coronavirus est nouveau, mais celui contre lequel nous devons lutter est ancien. Il s’appelle le péché et il est multiforme. Et il est parfois bien caché. Il se cache derrière un paravent de bonnes manières, et il s’appelle l’hypocrisie. Il se cache sous des paroles anodines, et il s’appelle mensonge, manipulation. Il agit par derrière et il s’appelle médisance, calomnie ou acte de malveillance. Il peut rester bien à l’abri dans les pensées, et il s’appelle jugement, mépris, ou bien convoitise et – mot ancien mais évocateur – concupiscence. Il agit aussi à l’abri des regards, comme les violences sexuelles et les meurtres. Viol et meurtre sont du reste une seule et même chose. Quant au vol, il prend tant de formes que l’on n’en finirait pas de le débusquer : au vol « classique » – cambriolages, vol à main armée, vol à l’étalage, pick-pocket, racket etc. – il faut ajouter les infinies combines pour voler soit le fisc soit le client soit le producteur soit les concurrents, mais également des peuples et des générations entières. Là encore le péché se cache. La loi du plus fort se couvre d’arrangements juridiques, de systèmes commerciaux, d’accords internationaux. Dès lors les plus faibles sont écrasés, les ressources sont pillées, des conflits sont provoqués, des Etats sont déstabilisés, des peuples sont pris en otage, des sociétés détruites, des populations déplacées. L’Amazonie, sur laquelle le pape François vient d’attirer notre attention, est symptomatique et concentre l’ensemble de ces processus nés du péché. Et sur le plan écologique, il s’agit d’un vol, une spoliation des générations suivantes qui subiront de façon durable et profonde les dérèglements non seulement climatiques, mais aussi sociaux et économiques que nous avons provoqués. Ce péché-là correspond à ce que le pape saint Jean Paul II nommait une « structure de péché ».

Le Carême est donc une occasion favorable pour détecter nos virus personnels et collectifs, les isoler et les détruire. Jésus est venu attaquer le mal à sa racine, il l’a vaincu par sa mort et sa résurrection, et c’est à lui que nous devons présenter les maladies qui nous rongent. Le livret de carême diocésain qui est proposé cette année peut aider à cela. Bonne quarantaine, non dans l’isolement mais dans la rencontre vraie avec Dieu, avec les autres et avec soi-même.

+ Thierry Brac de la Perrière
Evêque de Nevers