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Editorial : Pâques au désert

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Le temps du Carême est un temps de dépouillement, un temps de désert, pour marcher à la suite de Jésus et le suivre jusqu’à la croix. C’est un temps de renouvellement intérieur, de conversion, pour célébrer la résurrection du Seigneur en ayant nous-mêmes retrouvé la grâce et la vigueur de notre baptême. Avec la situation de confinement dans laquelle nous sommes désormais, pour une durée indéterminée, ce temps de désert prend une dimension particulière. Il nous revient de vivre ces événements dans la foi, l’espérance et l’amour.

Dans l’amour tout d’abord, en tournant notre cœur vers ceux qui, proches ou lointains, subissent les conséquences de cette pandémie. Dans cette situation, qui manifeste que nous sommes tous vulnérables d’une manière ou d’une autre, les cœurs peuvent être plus enclins à s’ouvrir et à s’attacher à l’essentiel. Nous restons physiquement à distance les uns des autres, mais sans doute cela nous rapproche-t-il autrement. Des témoignages vont dans ce sens.

Dans la foi et l’espérance : cette pandémie mondiale, comme tout événement heureux ou malheureux, est une occasion d’enraciner plus profondément notre vie dans le Seigneur. L’apôtre Paul nous l’enseigne : « La détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée : la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné » (Romains 5, 3-5). Le dépouillement imposé, l’arrêt de nos principales activités, l’inquiétude aussi qui peut nous gagner, tout cela est à remettre au Seigneur. Nous qui avons peut-être l’habitude de compter sur nous-mêmes ou de tout prévoir, cela peut nous déstabiliser. C’est très bien ! Car le Seigneur nous appelle à compter sur lui, pas sur nous. Sur sa grâce, non sur nos propres forces. Saint Paul en a fait l’expérience. « Ma grâce te suffit, ma puissance donne sa mesure dans la faiblesse », lui dit Jésus dans un moment de découragement (2 Cor 12,9).

Nous arrivons à Pâques, alors même que nous restons dans le désert. Mais la résurrection de Jésus ne vient pas comme prolongement d’un chemin de bonheur, elle ne vient pas comme le couronnement de nos efforts, elle ne vient pas comme la négation de la souffrance, de la mort, du péché, du mal et du malheur. Elle vient comme l’irruption de la vie dans la mort, l’irruption de la grâce de Dieu dans le péché de l’homme, l’irruption de l’éternité dans le temps de l’homme. Voilà notre foi, voilà notre espérance : au milieu des épidémies de coronavirus, de méchanceté, de violence, de lâcheté, de mensonge, de vanité, d’orgueil, de péché sous toutes ses formes ; alors même que la croix est présente pour chacun de nous, quoiqu’à des degrés différents, le Christ ressuscité a déjà manifesté sa victoire et demande désormais que nous lui fassions confiance en tout. « Courage, c’est moi, n’ayez pas peur », dit-il à ses disciples. Tu es, Seigneur, au commencement et à la fin de l’Histoire humaine, au commencement et à la fin de chacune de nos existences. Que chaque jour nous tourne vers toi, que chaque instant se remplisse de ton Esprit, que nos joies et nos souffrances soient habitées de ta lumière et de ton amour.

+ Thierry Brac de la Perrière
Evêque de Nevers